Les ateliers numériques recommencent lundi 11 mars à l’espace numérique.

La rubrique des écrivains

S. Bartou,H.Tayon,R.Molleman,P.Thibaud

Les écrivains de Payzac

Quatre écrivains résident à Payzac .

Si certains d’entre nous connaissent leurs œuvres, il n’en est pas de même pour tous les Payzacois.

Aussi nous avons décidé de vous les présenter. Et, pour cela , nous leur avons demandé de nous écrire un petit texte se rapportant à Payzac.

Ils se sont pliés gentiment à notre demande et nous espérons qu’au fil du temps, ils recommenceront.

C’est Rudi Molleman qui nous a envoyé son texte en premier, c’est pourquoi il a commencé cette rubrique.

Hélène Tayon a pris la suite.

Elle a été suivie par Simone Bartou .

C’est maintenant le tour de Pierre Thibaud .

PAYZAC, FRUIT DU HASARD

Répondre à l’aimable invitation des webmastresses municipales à tremper ma plume informatique dans mon clavier Acer, est à la fois un plaisir et un impossible défi. J’aurais aimé décliner mon attachement à Payzac, mais il est trop multiple pour ne pas être lassant, trop personnel pour ne pas paraître indiscret et trop profond, pour ne pas paraître pédant, ou pire, obséquieux. Ainsi je préfère laisser vagabonder mon humeur de scribe, à saute-moutons sur les années.

Payzac, pour les Thibaud, est un fruit généreux du hasard. Pourtant, et je l’ai toujours proclamé : le hasard n’existe pas. N’existent que les rencontres. Le hasard n’est que le médiateur plus ou moins zélé d’un destin plus ou moins doux ou cruel et il n’y a pas de hasard sans lendemain.

1979. Le lendemain après avoir écrit « Payzac » en fin de liste sur mon choix d’affectation d’instituteur, le dit hasard frappait déjà à notre porte. Tous les postes choisis en premier s’étaient fermés un à un, pris par des collègues plus âgés qui préféraient, comme je pensais alors préférer, des classes à portée de Périgueux, près des cocons familiaux, des amis, des sorties.

Nous irions donc à Payzac. Le Nord. Un village qui dormait dans un coin oublié de ma mémoire, car j’avais jadis usé ici mes premières heures d’enseignant, à la faveur d’une grippe bienveillante pour le remplaçant que j’étais, en quête d’affectations, une période de Noël où trois instituteurs à la fois luttaient contre l’épidémie de grippe, cloitrés dans leurs chez-eux. En 1970, j’avais donc remplacé en une semaine à peine, trois maîtres à la fois. Aucun élève du pays ne doit s’en souvenir. Moi, si. Comme dans un rêve embué. Ne sachant ni faire apprendre à lire ou à compter, car on nous lâchait à cette époque dans les classes en sautant en marche de l’université sans aucune formation, je faisais donc partie de ces kamikazes courageusement armés de leur seule craie blanche. J’ai donc, merci Noël, passé mon temps à tenter de faire apprendre à mes petits cobayes de l’Auvézère un « Beau sapin » répétitif et à dessiner des bonhommes de neige. L’une ou l’un d’entre-deux s’en souviendrait-il ? Qu’elle, qu’il me le dise, ce serait un doux plaisir que de l’entendre.

Dix ans après, j’avais tout oublié de Payzac, sauf l’Hôtel Pélisson, où je bavardais ces soirs de neige avec une connaissance de mon père, représentant en blouses de travail Bragard et Dieu merci assez bavard pour meubler de concert ces soirées très solitaires. Je me souviens aussi à l’école d’une cantinière imposante, de gris vêtue et des vitres fardées par les effluves de sa soupe généreuse. Dix ans après, la vie nous avait plus précisément modelés. Martine était à mes côtés. Matthieu gambadait gaiement sur ses deux ans dans la grande salle à manger en lambeaux du logement d’école, jonchée de martinets morts. Hasard, une ancienne amie d’enfance enseignait déjà à Payzac. On se sentait moins seuls. Mais nous ne pouvions savoir que ce fameux hasard nous faisait inaugurer d’une liaison consentie de plus de trente-cinq ans avec le village et ses habitants.

P.TH

Simone Bartou

Née en 1948 dans la Creuse, Simone BARTOU passe son enfance et son adolescence aux Combes d’Arnac Pompadour. Institutrice à Étretat, puis en Corrèze, elle occupera des postes de directrice à Tulle et à Brive. Puis elle prépare et obtient un diplôme de directrice d’établissement spécialisé délivré par le Centre National de Suresnes.

Sollicitée par l’association APAJH, (association pour adultes et jeunes handicapés) elle devient, par le biais d’une mise à disposition, la directrice générale et pédagogique du centre de la surdité et du langage de Massy où travaille une équipe médico-éducative de 70 personnes et où l’on accueille les enfants dès l’âge de 5 mois.

Retour à l’Éducation Nationale, en fin de carrière, au collège de Nonancourt, dans l’Eure, fréquenté par 860 élèves.

A l’âge de 66 ans, elle écrit son premier livre « le bal de Réglisse » que les éditions de l’Officine publient en version bilingue Français- Néerlandais. La version trilingue Anglais- Français - Néerlandais sera à disposition le 30 juillet 2015. Elle réalise ainsi un vœu de son fils Jean-Marie décédé en 2002 : ce dernier souhaitait en effet, qu’elle se lance dans l’écriture.

Simone Bartou à la mediathèque de Payzac avec son album « Le bal de Réglisse »

PAYZAC, MON VILLAGE

Payzac ne fait pas partie des « plus beaux villages de France » tels Ségur le Château en Corrèze ou Saint Cirq Lapopie dans le Lot. Et cela pour une simple raison, selon moi : les trésors qu’il recèle ne sont pas groupés en un seul lieu mais éparpillés dans la nature. Et cela est peut être mieux pour nous, les habitants. Car Payzac ne se livre pas d’emblée. Il faut le découvrir, l’apprivoiser, faire corps et âme avec lui, si je puis dire.

La Papèterie de vaux, écomusée européen, le pont de Lasveyras et le site attenant au tragique passé, les anciennes écoles de hameau, la belle rivière Auvézère, l’église au clocher légèrement tors, les moulins et autres constructions anciennes constituent une richesse historique et humaine. De plus, la faune et la flore de ce petit coin du Périgord vert invitent le promeneur à la flânerie.

Et Payzac, mon village, ramassé sur lui-même, perché sur son promontoire m’offre une vue magnifique. Hâtons nous et allons vers les commerces et autres services. Découvrons l’École, la Mairie, la Médiathèque flambant neuve, les installations sportives. Puis perdons nous dans la campagne : non loin du bourg, à la Borie, découvrons les maisons écologiques parfaitement intégrées dans le paysage. Et à quelques kilomètres, le petit terrain d’aviation légère nous accueille et je me prends à rêver : comme mon village doit être beau vu du ciel ! Oui, partons à l’aventure en toutes saisons !

Quant à moi, j’aime particulièrement l’automne et ses présents : les délicieux champignons, les splendides feuillages déclinés dans les tons de jaune, marron ou rouge. Sous mes yeux émerveillés, toutes les nuances se bousculent si différentes et pourtant harmonieuses. Et cela me rappelle Wilmington, ce petit coin du Vermont aux USA où j’ai vu l’été indien. Et croisant le chevreuil, au détour d’un chemin, je suis dans un paradis. Voilà pourquoi j’aime tant mon village d’adoption, Payzac. Et puis de nombreux étrangers ou habitants d’autres régions y ont élu domicile et y sont heureux.

Alors, oui, j’aime Payzac avec ses richesses, ses vestiges et blessures du passé. Et en bas « coule une rivière », la belle et limpide Auvézère.

Hélène TAYON

Elle habite aujourd’hui sa chère maison de Payzac.

Mais pendant 25 ans, elle a enseigné le français, le latin et le grec ancien au Moyen-Orient et en Afrique. Passionnée de voyages, de langues et de littérature, elle écrit depuis toujours et a publié un roman : ALARGA ! en 2009, sorti en turc à Istanbul en 2011 et un recueil de nouvelles : LA TABLE DU PACHA en 2012, sélectionné pour le prix Lauzerte de la nouvelle en 2014. Son troisième ouvrage : ROUGE BAGDAD, témoignage sur l’Irak où elle a vécu 4 ans, paraîtra prochainement.

On peut retrouver Hélène Tayon sur son blog : helene.tayon.over-blog.com

SOCRATE À PAYZAC

Quand je l’ai connu, mon voisin Gaspard n’allait à l’église que pour Noël et Pâques mais il croyait.Et quand il venait se faire payer l’apéro, tous les deux jours, on avait droit à sa colère contre cet enfoiré de Brassens qui se moque de la foi du charbonnier, « qu’est heureux comme un pape et con comme un panier ». Gaspard montait le ton : j’ai la foi, bon mais je me sens ni heureux ni con. Un peu de respect, tout de même ! Et de logique : un panier, c’est pas si con, et pas sûr que le François du Vatican nage dans le bonheur, d’accord ?

Au troisième pastis, Gaspard ressassait ses malheurs. Le cancer de sa femme. Son seul fiston qu’a foutu le camp en Australie et qui donne pas souvent des nouvelles. Et une retraite minable qu’est pas près d’augmenter, personne fait de cadeau aux vieux ouvriers agricoles, cause toujours, tu m’intéresses !

Et le Gaspard de conclure :« Le soir, faut que j’en parle à quelqu’un, j’en bave trop. Alors j’appelle Jésus et je lui demande des comptes, ça m’arrive même de l’engueuler. Personne m’entend, je déballe tout, ça me soulage, surtout avec un coup de bergerac, il est bon et pas trop cher au Casino. Et quand j’ai ma dose, je m’endors content. Peut-être que je force un peu sur le picrate et que je me prépare une cirrhose d’enfer mais on fait ce qu’on peut avec ce qu’on a. J’ai personne, moi, faut le vivre… »

En 2013, après la messe de minuit, Gaspard n’était pas au mieux. Le prêche de monsieur le curé n’avait rien résolu et Jésus ne répondait toujours pas. Comme il avait faim, Gaspard a mis son frichti à chauffer avant d’aller dans la grange puiser du réconfort dans sa réserve de rouge, bien décidé à s’en prendre une bonne pour oublier qu’il était seul un si beau soir de fête. L’ampoule était pétée, il n’y voyait rien.

Il fourrageait derrière les fagots à bouteilles quand le miracle a eu lieu : la maison a littéralement explosé dans un vacarme épouvantable, projetant des flammèches, des tuiles et des pierres jusque dans les jardins voisins. Les pompiers ont réussi à éteindre le feu d’artifice au matin. Le ragout de Noël avait débordé, le butagaz en surchauffe avait fait le reste. Si Gaspard était resté dans la cuisine, il serait mort.

L’assurance a payé une bicoque neuve et le Gaspard rayonnant vient maintenant tous les soirs philosopher chez moi à l’heure du Berger : « Un, si vous voyez pas la main de Jésus derrière tout ça, vous êtes encore plus cons que Brassens. Deux, me resservez pas ! Un verre suffit, je me connais moi-même, maintenant ! »

Rudi Molleman

Dès son installation en 2002, Rudi Molleman s’est intéressé à l’histoire locale.

Ses livres Souvenir(s) de Payzac (2009) et Les grandes affaires criminelles de Dordogne (2012) en sont la preuve.

Entre les deux, il s’essaie timidement à la fiction et publie Ersatz . Pour faire la distinction entre l’historiquement correct et les romans, il choisit d’utiliser pour ces derniers le pseudonyme francisé de Rudi Meunier.

Ensuite parait Péri (2013), un hommage romancé à son grand-père.

Il nous revient en mars 2015 avec un livre qui tient le milieu entre les deux voies choisies : un roman basé sur des faits réels : Delcouderc & Mérilhou - Deux scélérats qui ont fait trembler le Périgord .

D’autres livres verront le jour prochainement, dont Crimes et faits divers en Haute-Vienne (sortie programmée en septembre 2015) et une suite des grandes affaires criminelles périgordines, prévue pour l’automne 2016.

Nous vous invitons à aller sur son blog : http://rudi.blog4ever.com pour faire plus ample connaissance.

Rudi

Voici quelques unes de ses réflexions sur la commune de Payzac :

Payzac, c’est plus vraiment le Limousin et pas tout à fait l’Aquitaine (Sachez que cet article s’autodétruira en 2017 après la refonte des régions). Nos vaches et nos pommes sont limousines, tout comme nos terres vallonnées et même notre météo. Et même si ici on ne trouve pas de vignes et que jamais aucune truffe n’a poussé sur ces terres, on est bel et bien en Dordogne, le plus beau des départements.

Cette situation limitrophe à la lisière de trois départements n’a jamais été un avantage pour la commune. Pour comprendre, faisons un bond de deux siècles en arrière. Deux cents ans, c’est en même temps peu et beaucoup. Peu quand on pense que l’église de Payzac en a environ mille, beaucoup quand on compare le village de l’époque à celui d’aujourd’hui.

Lors de la création des départements, Payzac se trouve incorporé à la Corrèze, mais sa situation excentrée fait que c’est au petit village de Ségur que revient l’honneur d’être chef-lieu du canton.

Mécontent, la commune demande, et obtient, son rattachement au département de la Dordogne. Mais à peine quelques années plus tard, Payzac est privée de son canton au profit de Lanouaille, plus centrée, et toutes les démarches entreprises pour abolir cette décision essuieront un refus.

Il faut savoir qu’en ce début du XIXe siècle, Payzac fait partie des communes les plus peuplées du département (11e d’après un almanach de 1819 !), ainsi que des plus vastes. Des communes avoisinantes tentent de grignoter une partie de son territoire mais Payzac se bat avec tous les moyens légaux, ce qui ne lui fait pas que des amis.

Que de choses ont changé depuis : les cantons sont devenus si grands que le nôtre atteint les portes de Périgueux, et demain notre région sera la plus vaste de France et ira de Poitiers à Pau, de Guéret à Bayonne. Alors Payzac ne sera plus limitrophe, mais quelque part au centre.

Si la commune, comme des milliers d’autres partout en France, a beaucoup souffert de la désertification des campagnes provoquant la lente agonie des villages, elle a réussi à lever la tête et se maintenir au dessus de la barre symbolique des mille habitants.

Rudi Molleman

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